Aux nouveaux membres: il vous est recommandé de commencer les leçons au début, les leçons précédentes étant nécessaires à la compréhension de celle-ci. La première leçon s'intitule « le but de ces leçons » et porte le numéro 10.

La vie spirituelle est souvent paradoxale. Parfois le paradoxe ressort des enseignements eux-mêmes. On nous dit en même temps de renoncer à nos désirs et d'avoir faim et soif du divin. On nous dit de nous engager dans l'action alors même qu'on nous recommande de nous libérer de l'attachement aux fruits de l'action. Nous sommes priés d'être dans le monde mais pas du monde. Certains nous conseillent même d'oublier complètement le monde, de rester uniquement dans le Soi. Pourtant, nous devons nous lever chaque matin.

Quand ces enseignements sont pris au pied de la lettre, ils peuvent entraîner des confusions ou des comportements obsessionnels vers l'un ou l'autre extrême qui vont retarder notre progrès spirituel plutôt que le soutenir. Ces enseignements peuvent être pertinents dans le contexte de vie de ceux qui les professent, mais pas forcément pour tous ceux qui les lisent ou les écoutent. Dans tous les cas, le progrès spirituel ne peut être obtenu sur les bases d'une pensée intellectuelle. Il est au-delà des idées. D'où les contradictions. Ce n'est que dans la présence du silence intérieur que la vérité peut être connue.

La bhakti offre un avantage de taille pour aborder les paradoxes et autres égarements que l'on rencontre sur le chemin spirituel: elle les ignore! La dévotion est pure émotion et n'a rien à déchiffrer. Moins l'on pense, mieux c'est.

Comme il est dit dans la Bible: "Recherchez d'abord le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît." Le cœur sait cela.

Le cœur ne connaît pas de raison, et cela rend capable celui qui a une forte bhakti de traverser les perturbations et d'agir. Si l'action est investie dans une pratique spirituelle efficace, alors le voyage va continuer et les paradoxes et les expériences spirituelles deviendront des péripéties, des paysages qui passent dans le processus de la transformation spirituelle humaine, plutôt qu'une série interminable d'épreuves. Juste des jalons sur le chemin.

Chemin d'où à où?

D'ici à ici, bien sûr! A quel autre endroit pourrions-nous aller?

Un autre élément du paradoxe divin est l'idée que nous devions voyager loin pour atteindre l'illumination, alors même qu'il n'y a nulle part où aller. Une autre manière de l'exprimer est de dire qu'il y a beaucoup à faire, alors qu'il n'y a rien à faire. Comme avec les autres paradoxes spirituels, si le faire sans faire est trop intellectualisé, nous pouvons voir des comportements extrêmes apparaître. Ainsi de celui qui quitte ses responsabilités dans la vie, femme et enfants, s'enfuyant pour chercher l'illumination. Ou cet autre chercheur qui interrompt toutes ses activités sous prétexte qu'il n'y a rien à faire et qui devient un fardeau pour ses proches.

Que l'aspirant s'enfuie ou s'assoit sans rien faire, le fait essentiel ne change pas: où que nous allions, nous nous emportons avec nous. Peu importe donc où nous allons ou ce que nous faisons ou pas, le voyage sera d'ici à ici, de la non-conscience à la conscience de notre Soi immuable.

Pour atteindre ce but, pas besoin de quitter notre maison ou d'abandonner nos responsabilités. Tout ce que nous avons à faire, est d'en avoir le désir et de passer du temps chaque jour à des pratiques structurées comme la méditation profonde et le pranayama de la respiration spinale pour ensuite être actifs et vivre notre vie normalement. De cette façon, notre voyage intérieur de purification et d'ouverture sera rapide, alors même qu'extérieurement notre vie restera ordinaire. Nous n'avons pas à porter des vêtements étranges, à changer de mode de vie ou à nous engager dans des rituels élaborés. Nous pouvons faire tout cela si nous en ressentons fortement le besoin, mais cela ne fera de différence que si nous nous y sentons appelés de l'intérieur. La même chose peut être accomplie en jeans et T-shirt, assis là où nous sommes maintenant.

Même si en définitive, l'illumination est un non-faire, un lâcher-prise, nous devons faire quelque chose pour la cultiver.

Nous pouvons attendre que quelqu'un d'autre allume la lumière (et cela peut prendre très longtemps), ou nous pouvons nous lever et l'allumer nous-mêmes. Nous devons faire quelque chose pour ne rien faire. Et pour ça, nous n'avons pas besoin de quitter notre maison.

Pour être juste avec les anciennes manières de faire, les choses sont très différentes aujourd'hui. L'information sur les moyens et processus de la transformation spirituelle sont facilement disponibles de nos jours. Nous sommes à l'ère de l'information et quasiment tout le monde a accès au savoir. Autrefois, on devait voyager loin pour trouver la connaissance et le savoir n'était souvent pas dissociable de certains modes de vie, croyances, rituels, etc. Même ainsi, le voyage a toujours été un voyage intérieur en chacun d'entre nous et il en sera toujours ainsi. Aujourd‘hui, où l'accès aux informations spirituelles est tellement plus facile, nous pouvons nous passer de ces béquilles pour aller à l'essentiel de principes et de méthodes universelles. Ce que nous trouvons est un cycle en perpétuelle expansion de désir spirituel, d'action, de purification et d'ouverture se poursuivant jusqu'à l'illumination spirituelle et les paradoxes de la vie spirituelle font désormais partie de la vie quotidienne et ne se remarquent qu'à peine.

En chemin, nous aurons bien des expériences. Au début, nous pouvons ressentir une passion extrême pour notre voyage spirituel, avant même d'avoir avancé très loin. En pratiquant quotidiennement la méditation profonde journalière pendant des mois et des années, nous en viendrons à connaître le silence intérieur et à demeurer en Cela, reconnaissant qu'il s'agit de notre propre Soi. La vie de tous les jours continuera, même si nous avons conscience d'être au-delà, détachés d'elle. Nous verrons l'émergence du détachement au milieu des passions normales de la vie. Tout en respectant le fait d'être engagé dans la vie, nous pourrons nous demander si nous en faisons encore partie.

A mesure que nous persévérerons, nous découvrirons que notre désir n'a pas été dissous, mais transformé. Transformé d'un désir personnel en un désir divin. C'est le passage progressif du service de soi (notre corps/notre mental) au service du Soi visible chez les autres, partout autour de nous. Pendant cette transformation, nous découvrirons que nous sommes bien moins attachés aux résultats de nos actions.

On dit que le désir mène à l'action et à l'attachement aux résultats de l'action. Pourtant, à mesure que nous avançons sur notre chemin spirituel, nous constatons que notre désir change, au-lieu d'être tendu vers l'objectif final, il s'occupe davantage de l'action pour elle-même, du courant divin qui passe à travers nous. Le désir et le flot divin ne forment plus qu'un. Cette unité une fois atteinte, nos actions deviennent une force d'évolution puissante dans tout ce que nous faisons au quotidien. C'est le pouvoir de l'amour, de l'amour divin débordant.

Notre vie devient passionnante, vécue dans le détachement, une vie pleine de désirs sans attentes, une vie d'un engagement total dans un abandon actif. C'est possible grâce à une dévotion continuelle et à la montée du silence intérieur.

Notre désir spirituel initial continue tout au long de notre voyage et se transforme peu à peu de personnel à divin. Nous ne sommes allés nulle part, nous n'avons fait que de réaliser notre propre Soi. Un voyage d'ici à ici. Nous sommes devenus l'amour en action, la tranquillité en action. C'est le mariage de la tranquillité et de l'extase divine que nous allons rayonner en permanence. Alors, toute vie devient notre bien-aimé divin et tout ce que nous faisons est une danse glorieuse déployant l'unité partout. Le voyage commence dans l'amour et finit dans l'amour.

Le gourou est en vous.